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Maternité et handicap : le combat de toute une vie

le vendredi, 22 décembre 2023. Publié dans Point de vue

Crédits photo : capture YouTube  https://youtu.be/Da-zyTDU_Dg?si=d8GjwcYxPpo7-la5

Béatrice Idiard-Chamois est sage-femme. Sa particularité, elle est née avec une amblyopie sévère et mal voyante. Par la suite, un accident artériel a eu des graves conséquences sur sa mobilité, elle se déplace à l’aide d’un fauteuil manuel. Béatrice travaille à l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris depuis plus de 30 ans et a créé une consultation « Parentalité handicap moteur et sensoriel » en octobre 2006, ainsi qu’une « Consultation gynécologie handicap » en janvier 2015.

Béatrice a une fille et est grand-mère depuis un an.

Une interview Synergies-news


Quelle est votre clientèle ?
« Concernant la parentalité, je reçois tous types de handicaps à l’exception du handicap mental. Dans ce cas, les enfants sont souvent placés. Pour moi, c’est quelque chose de compliqué de ne pouvoir voir l’enfant qu’en pouponnière. Par contre, pour la consultation en gynécologie, j’accueille tous les types de handicaps, incluant le handicap mental, les patientes autistes ainsi que des personnes lourdement handicapées ou grabataires, vivant en institutions. »

Quelles sont les adaptations que vous avez dû mettre en place ?
« Ce sont essentiellement une table et un lit accessible pour les personnes à mobilité réduite. Des calques thermoformés pour réaliser des images en relief des échographies destinées aux patientes non-voyantes. Du matériel adapté pour peser les patientes enceintes, comme une “chaise-balance”, qui est un fauteuil roulant destiné aux personnes qui ne peuvent pas se tenir debout. Je parle aussi la langue des signes pour les personnes sourdes. Concernant l’hôpital, nous avons mis du braille et des chiffres en relief dans toutes les chambres. Nous avons aménagé un parcours pour les personnes se déplaçant avec des cannes blanches, par exemple, avec des signalisations à chaque étage et en installant dans les ascenseurs une voix de synthèse qui indique chaque étage. »

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre profession ?
« Étant à mobilité réduite et atteinte d’une amblyopie sévère, je ne peux pas conduire un véhicule, les déplacements depuis mon domicile prennent plus de temps, car j’habite loin de mon lieu de travail. Je voudrais faire connaître le handicap aux autres médecins et sages-femmes qui travaillent dans le service maternité. Il n’existe pas de formation spécifique à ce sujet. Je n’ai pas assez de temps pour accueillir tout le monde et répondre aux demandes de formations sur le handicap de la part de mes collègues. »

Un message ?
«Concernant l’avenir de la consultation, j’ai 59 ans et je suis bientôt à la retraite. Je vous avoue honnêtement que je ne sais pas ce qu’elle deviendra. Ce n’est pas que je m’en moque, mais nul n’est irremplaçable et quand je partirai, je partirai ! C’est à la Direction de l’hôpital de savoir ce qu’elle veut faire de cette consultation. Il faudra être bien formé pour s’assurer du consentement des patientes en situation de handicap pour les examiner. Si ce n’est pas le cas, cela peut être très violent pour elle. Beaucoup de mes patientes dans la consultation de gynécologie ne parlent pas ! Elles n’ont pas accès à la parole et ont souvent affaire à de tierces personnes. Il est très compliqué d’avoir leur consentement pour les examens. J’ai fait une merveilleuse formation d’haptonomie, plus particulièrement en haptosynésie pour les personnes malades et en situation de handicap.

Cette formation m’aide beaucoup pour aborder la problématique du consentement. Il faudrait développer des formations pour les médecins et les sages-femmes sur la thématique “Qu’est-ce que le handicap ?”  Les médecins apprennent les pathologies concernant les types de handicaps, mais ne savent pas ce qu’est le handicap. Nous sommes considérés comme des personnes vulnérables, alors que la vulnérabilité atteint aussi bien les personnes valides que les personnes en situation de handicap ! »


*L’haptonomie est définie comme la science de la vie affective qui étudie et met en œuvre les phénomènes propres aux contacts affectifs dans les relations humaines

*L’haptosynésie est le traitement des troubles physiques dans le cadre de l’haptonomie.

(source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Haptonomie)


Commentaires

« Je suis extrêmement fière et émue du parcours de Béatrice Idiard-Chamois dans le domaine professionnel et privé. J’ai toujours rêvé de donner la vie à mon tour, malgré mon handicap. Je suis à mobilité réduite et non voyante. Grâce à son témoignage, je suis persuadée que mon rêve peut devenir une réalité.J’admire également sa force, son courage et son combat. J’ai choisi d’aborder cette thématique afin de combattre les idées qui préconisent que d’une part la profession de sage-femme soit réservée pour les personnes valides et que d’autre part les personnes en situation de handicap ne peuvent pas vivre une grossesse et avoir des enfants. Le meilleur moyen est de sensibiliser et informer ces personnes afin qu’elles se rendent compte qu’il est tout à fait possible de devenir sage-femme et gynécologue en étant malvoyante et en fauteuil roulant, ainsi que d’avoir le plus beau cadeau que la vie peut offrir à une femme et à un homme qui est le bonheur et le plaisir de devenir parent. Pour ma part, j’ai été très touchée quand des personnes que je côtoyais m’ont fermement interdit d’imaginer d’être mère. Je ferais entièrement confiance à Béatrice Idiard Chamois, si elle suivait ma grossesse, comme à d’autres sages-femmes non voyantes. Grâce à elle, mon désir de maternité est devenu encore plus fort. Si l’on me dit : “Celya, choisis entre rester vivre en institution pour personnes en situation de handicap, sans la moindre possibilité d’avoir des enfants, ou quitter définitivement cet endroit pour avoir ma propre famille, je ne vais pas y réfléchir à deux fois, je leur dirais avec ces mots indélébiles : adieu et à jamais, merci quand même, je pars poursuivre ma vie et fonder une famille ! ” »
Celya Mbembe, rédactrice

« J’ai encore une fois été très touchée par l’article de Celya ! Il me fait penser à ma propre expérience, car j’ai mis au monde un garçon en 2004. Je pense que la formation de Mme Idiard-Chamois est plus qu`importante, toutes les femmes handicapées ou pas ont le droit au bonheur de la maternité et à un suivi de la grossesse le plus adapté possible ! La mise au monde d’un enfant est une chose tellement bouleversante et nouvelle pour la mère ainsi que pour le père, qu’un accompagnement par un professionnel est plus que nécessaire. J’ai été heureuse d’apprendre par cet article que des techniques existent, comme les calques thermoformés des échographies pour les personnes malvoyantes. Je pense même que des personnes handicapées travaillent pour toutes les femmes, valides ou pas, chaque femme à sa sensibilité ou son expérience ! »
Mayra Michaelis, assistante-rédactrice


Pour en savoir plus

Le métier de sage-femme

L’haptonomie