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Dans la carapace d’une tortue verte marine

le mercredi, 19 avril 2023. Publié dans Point de vue

Dans la carapace d’une tortue verte marine

Jade Océane donne rendez-vous à l’équipe de Synergies en Afrique, sur la belle île sauvage de Madagascar, pour une interview exclusive. Nous la retrouvons sur la plage du Soleil, au 5, rue Île de Mada.

Présentez-vous en quelques mots s’il vous plaît.
Bonjour à vous, journalistes de Synergies. C’est un plaisir de vous accueillir sur mon île natale. Je suis une espèce de reptile aquatique que l’on nomme tortue verte marine, car mes écailles font de très jolis reflets verts. Je viens tout juste de fêter mes 18 ans.

Comment vous décririez-vous ?
Je suis fière d’être, après ma cousine la tortue luth, la plus grande des tortues marines. Ma tête est petite par rapport à mon corps. J’ai un bec puissant et de grandes nageoires de couleur crème. J’ai une énorme carapace plate et bien arrondie, parfaite pour me déplacer sous l’eau. Elle est très solide. C’est mon armure naturelle.

Oserais-je vous demander votre poids et vos mensurations ?
Ma carapace mesure 1 mètre 15 de long et je pèse 150 kg ! Mon mari, Shield, pèse quasiment le même poids que moi. Je le trouve très beau ! Nos parents, eux, vont bientôt atteindre les 300 kg.

Eh ben dis donc, c’est énorme !
Oui, mais il ne faut surtout pas le leur dire, car ils sont très susceptibles. Chez les tortues, avec l’âge, nous prenons sans cesse de la masse.

Quelle est votre espérance de vie ?
Si nous préservons notre santé et évitons soigneusement les prédateurs, mon espèce peut vivre très longtemps. Certains de mes congénères sont arrivés jusqu’à l’âge de 100 ans.

Quel est votre plat préféré ?
J’adore tout ce qui est à base de plante aquatique : algues, corail… Miam... je suis une vraie herbivore. Mes enfants n’ont pas le même régime. Ils mangent de petits invertébrés tels que des crabes, des éponges, des méduses, mais aussi des œufs de poisson.

Pouvez-vous respirer sous l’eau ?
Je risque de vous surprendre, car il se trouve que j’ai des poumons tout comme vous. Par conséquent, je ne peux pas respirer sous l’eau ! Cependant, je suis une pro de l’apnée. Je retiens ma respiration pendant 4 à 5 minutes. Puis, je prends une grande inspiration pendant 1 à 3 secondes dès que je remonte à la surface. Je possède un taux élevé d’hémoglobine ce qui me permet de maintenir oxygénés mes organes vitaux tels que mon cerveau, mon cœur et mes nageoires. Je suis capable de contrôler mon rythme cardiaque et la circulation de mon sang pour limiter ma consommation d’oxygène au maximum.

Comment vous déplacez-vous ?
Je suis une professionnelle de la natation. J’atteins les 35 km/h à la nage ! Voyager en mer est un de mes passe-temps préférés. Je parcours de très longues distances, parfois à plus de 8 000 kilomètres des côtes. J’ai toujours aimé partir à l’aventure pour explorer de nouveaux horizons marins.

Et sur la terre ferme ?
Là, c’est une autre histoire. J’utilise mes nageoires pour me hisser sur le bord des plages. Cela me permet d’avancer, mais me demande un énorme effort. C’est très fatigant ! Je suis bien mieux dans l’eau.

Où dormez-vous ?
J’apprécie de me laisser bercer par le sommeil quand je suis dans la boue. C’est aussi doux et confortable que de se rouler dans des coussins de soie. Mais savez-vous que j’adore aussi dormir sous l’eau ? Eh oui… La plupart des tortues marines, moi y compris, aimons nous laisser bercer dans les eaux profondes de la mer.

Comment se passe la ponte de vos œufs ?
Tous les trois à six ans, je rejoins la terre ferme de mes ancêtres pour y pondre mes œufs. Pour donner la vie, je fais 5 à 6 pontes à quelques jours d’écart. Je ponds toujours de juillet à décembre. Tout est très bien calculé. Je creuse un gros trou dans le sable pour pondre environ 100 œufs et j’essaie de les cacher le mieux possible des prédateurs. Ensuite, je m’en vais. L’incubation dure 45 à 70 jours. Une fois nés, mes bébés doivent être le plus autonomes possible.

Combien d’enfants avez-vous ?
J’ai 200 enfants en tout.

200 enfants ! Ce nombre est impressionnant.
Eh oui, mais malheureusement, la plupart de mes enfants ne survivent pas aux nombreux prédateurs. Les crabes, les oiseaux, les mammifères de plage, les pieuvres et les gros poissons ne font qu’une bouchée de mes petits. Cela m’attriste beaucoup.

Malgré cela, je suis très fière et j’aime tous mes enfants. Heureusement, quand ils grandiront, seuls les grands requins et les crocodiles marins seront encore une menace.

Avez-vous un message à faire passer ?
Oui, j’aimerais parler de la cause de mon espèce. Ma famille et moi sommes sur la liste rouge des espèces en danger d’extinction.

De multiples raisons sont la cause de notre disparition potentielle : nous sommes chassées pour notre viande, notre peau, notre carapace, notre graisse et les œufs de tous les enfants de notre famille. Ajouter à cela la surpêche qui détruit notre habitat naturel et nous malmène par erreur dans leurs filets géants. Sans compter la pollution de notre mer adorée, notamment par le tourisme de masse et la surproduction de déchets non dégradables. Il nous arrive fréquemment d’ingérer des résidus de métal et de plastique, en particulier les sacs de supermarchés que nous confondons avec les méduses et que nous sommes incapables de digérer.

Quel désastre… Que pouvons-nous faire pour arrêter ce carnage ?
Gardons espoir ! Des solutions existent. Des plans de restauration des tortues marines mettent en place des projets pour la survie de notre espèce. Les Antilles françaises sont très investies dans ces dispositifs. Des hôpitaux spécialisés pour les tortues marines opèrent dans de nombreux pays. Ils proposent diverses prestations de soins, notamment le lavage d’estomac et d’intestin pour enlever tous les résidus qu’on ingère durant nos voyages. Nous pouvons même bénéficier d’interventions chirurgicales par exemple pour retirer les hameçons qui perforent notre peau.

Si les humains apprenaient à être plus bienveillants, notamment en triant leurs déchets et en pratiquant une pêche et un tourisme plus raisonnable, nous pourrions vivre paisiblement.

Merci, nous prenons note. C’était un plaisir de faire cette interview avec vous.

Le plaisir est pleinement partagé. Je vous fais un bec et à la prochaine !

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Rédigé avec la précieuse aide du père de Celya Mbembe.

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