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Une porcelaine rare en Suisse

le jeudi, 09 août 2018. Publié dans Actualités, 10 ans

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En décembre 2010, Marianne Vial, rédactrice à Synergies, nous parlait dans un témoignage émouvant de sa pathologie, la maladie des os de verre.

Les six premières années à l’hôpital
J’ai vu le jour le 9 juin 1965… quel joli bébé ! Oui, joli, mais avec un handicap peu connu. Je suis née avec des fractures multiples aux jambes et aux bras. Les médecins ont rapidement diagnostiqué la maladie des os de verre (osteogenesis imperfecta) et une espérance de vie brève. Mais, quarante ans plus tard, je suis toujours là ! Je suis restée à l’hôpital jusqu’à l’âge de 6 ans.

Mes familles
Dès ma naissance, ma famille biologique a démissionné et ce n’est que plusieurs années après que j’ai fait sa connaissance. C’est grâce à une des infirmières que j’ai pu sortir de l’hôpital. Elle me prenait certains weekend et jours de congé chez elle pour m’habituer à être dans une famille. L’expérience étant concluante, j’ai pu bénéficier d’une vraie famille d’accueil. J’ai appris à connaître beaucoup de choses. Je ne savais pas ce qu’étaient les voitures, les maisons, les paysages... Je n’avais jamais vécu comme les autres enfants, c’est-à-dire avoir des câlins, des histoires avant de dormir… Ma deuxième maman a dû expliquer mon handicap à ses trois enfants, car ils étaient encore petits. Dès l’âge de 6 ans, j’ai vécu à Payerne avec ma nouvelle famille. J’y suis restée jusqu’à mes 20 ans. Au début, ce n’était pas évident d’être avec une famille que je ne connaissais pas. Chacun devait faire attention à ne pas me bousculer.
Dans la maison, comme je ne pouvais pas marcher, je me déplaçais assise par terre en me poussant avec mes mains. Si on me mettait debout, je me cassais tout de suite quelque chose. On me portait très délicatement pour que je puisse aller dans des endroits peu accessibles.
Dehors, j’étais dans un pousse-pousse d’enfants. Après quelque temps, tout allait super bien avec ma nouvelle famille.

Mes écoles
L’école : ha ha ha, dur, dur ! Je rigole ! Au début, l’école se faisait à la maison. Plus tard, j’ai été dans une école pour handicapés où je restais du dimanche soir au vendredi soir. C’est dans cette école que j’ai eu mon premier fauteuil manuel que je poussais toute seule, mais très doucement. Chaque semaine je me cassais quelque chose. Quelques années plus tard, mes deux frères et ma sœur ont quitté la maison. Je me suis dit : « Ils quittent la maison et moi j’aimerais bien pouvoir vivre ma vie malgré mon handicap ». Un jour mon assistante sociale a téléphoné à ma maman pour lui annoncer qu’un foyer pourrait m’accueillir à Genève.

Mon fauteuil électrique
J’ai eu mon premier fauteuil électrique avec un siège qui monte et descend tout en bas. J’ai dû aller le chercher en Angleterre. Un monsieur l’avait construit pour son fils qui n’avait ni pieds ni bras. Malheureusement ce monsieur avait perdu les mesures du fauteuil. Ils ont donc dû tout remesurer et tout refaire. De retour chez moi, il est rapidement tombé en panne : le sol de Payerne n’est pas aussi plat qu’en Angleterre.

Mes premiers pas
À 17 ans, j’ai eu 4 opérations aux jambes. Ces opérations consistent à casser les os et mettre des clous pour me permettre de marcher. Je peux maintenant marcher un peu avec un rollator pour de courtes distances. Mes premiers pas n’étaient pas du tout faciles : j’avais un appareil aux pieds par-dessus des souliers de sport peu esthétiques. Heureusement, cela n’a pas duré longtemps. On m’a fait des souliers orthopédiques. Au début, je marchais les jambes écartées. Je n’avais pas l’habitude de les rapprocher, car j’avais pendant longtemps un grand plâtre aux jambes. Par la suite, j’ai fait des stages dans un magasin de musique et dans une librairie. Ces activités me plaisaient, mais les lieux n’étaient pas accessibles.

Je suis avec une infirmiere
Mes six bougies soufflées en présence d’une infirmière.

Ma nouvelle vie
Ma nouvelle vie commence le 21 janvier 1986. C’est ce jour-là que j’ai eu mon studio aux Voirets (oui mon chez-moi) ! Je me suis installée tranquillement et j’ai petit à petit fait la connaissance des résidents et du personnel soignant. Le lendemain, je suis allée dans l’atelier. J’ai parlé avec le chef pour savoir ce que je voulais faire. J’avais donc un chez-moi et un travail. Que demander de mieux ! Par moment j’oublie même mon handicap. Mais je dois absolument faire attention 24 heures sur 24 ! C’est parfois dur.

Mes loisirs
Et les loisirs ? J’en ai beaucoup. Mais là aussi, je dois faire très attention pour ne pas me casser quelque chose. Quand j’y pense, je n’ai pas le moral, mais heureusement cela passe vite. J’ai quand même vécu quelque chose de féérique : la danse. Je prenais des cours de danse avec un groupe qui mélange des danseurs valides et handicapés. J’ai participé à cinq spectacles. J’ai vécu cela pendant une année et demie. Dans ces moments-là, je ne pensais plus à mon handicap. Les personnes étaient très compréhensives et faisaient très attention à moi. Malheureusement, après une année et demie de bonheur, j’ai dû arrêter les cours. Le matériel de mon bras gauche s’était cassé. J’ai dû me faire opérer. On m’a greffé un os, pris à ma hanche gauche. Suite aux opérations, je ne peux plus utiliser mon bras gauche comme avant.
Je ne peux plus faire tout ce que j’aimerais. Parfois, ce n’est pas simple de ne pas pouvoir faire comme tout le monde. C’est difficile également de faire comprendre aux personnes valides que je suis fragile. Si je force ou je brusque pour faire quelque chose, une partie de mon corps se casse.

Mon handicap et moi
Malheureusement, mon handicap n’est pas très connu en Suisse. Je me sens assez seule. J’aimerais pouvoir communiquer avec d’autres personnes atteintes de la maladie des os de verre. Mais j’ai des amis qui m’aiment beaucoup. Cela m’aide à surmonter mon handicap. J’ai cependant un beau rêve : jouer du djembé avec un groupe de musiciens. C’est beau de rêver quand on est une porcelaine fragile, vous ne trouvez pas ?

Marianne Vial

Le saviez-vous

L’ostéogenèse imparfaite est une maladie génétique caractérisée par une fragilité osseuse. Elle est généralement due à une anomalie de la production du collagène qui est la principale protéine fibreuse de l’os. On peut comparer le rôle du collagène dans l’os au rôle des tiges d’acier dans le béton armé. La conséquence la plus connue de l’ostéogenèse imparfaite est la survenue de fractures multiples sans traumatisme majeur. L’ostéogenèse imparfaite se caractérise par une fragilité osseuse qui peut, suivant sa sévérité, être responsable de fractures, même pour des traumatismes minimes. Ainsi s’expliquent les termes de « maladie des hommes de verre » ou de « maladie des os de verre » antérieurement utilisés. Environ 80 enfants atteints naissent chaque année en France.

Sur internet 
www.aoi.asso.fr