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Quand des gens debout pensent aux gens assis

le jeudi, 12 juillet 2018. Publié dans Actualités, 10 ans

Quand des gens debout pensent aux gens assis
  • Véronique Lombard, responsable de la promotion culturelle de la Ville de Genève.
  • Dorra Dhouib, stagiaire au service pédagogique du Grand Théâtre.
  • L'ascenseur est un peu étroit et les boutons placés trop haut.

En 2010, l’équipe de Synergies s’intéresse à l’accessibilité des lieux culturels. Actuellement, beaucoup d’améliorations ont été apportées sur les questions handicap et culture et sur les mesures inclusives. Le site internet culture-accessible.ch atteste de l’offre accessible aujourd’hui.

La Ville de Genève propose une offre culturelle très riche (musées, théâtres). Cependant, de nombreuses personnes handicapées se sont plaintes du manque d’accessibilité de ces lieux. Est-ce réellement le cas ? Nous avons rencontré Véronique Lombard, responsable de la promotion culturelle de la Ville et Dorra Dhouib, jeune stagiaire du service pédagogique du Grand Théâtre. Des membres de notre rédaction ont également testé quelques lieux.

Handicap & Culture
Véronique Lombard dirige un service de 12 personnes qui œuvrent sur deux axes différents. Une première mission consiste à promouvoir les événements qui sont organisés par le Département de la Culture, par exemple, la Fête de la Musique. L’autre grande mission consiste à faciliter l’accès à la culture à différents types de publics : les aînés, les jeunes ou les personnes en situation de handicap.

« Depuis toute petite, j’ai toujours été attirée par la culture en général, j’ai toujours aimé lire, visiter des musées, aller au théâtre », explique Véronique Lombard. Elle a exercé la profession de photographe pendant 20 ans. Elle s’est toujours intéressée à l’image fixe ou en mouvement ainsi qu’à la communication.

« Pour ce qui est du handicap, c’est une question qui m’a toujours touchée. Mon fils est né, il y a 16 ans, avec une anoxie cérébrale (manque d’oxygène dans le cerveau). Il est devenu hémiplégique. J’ai été très vite sensibilisée par le sujet ». Le projet de Véronique Lombard était, dès son entrée au Département, d’améliorer l’accessibilité à la culture aux personnes atteintes d’un handicap. « C’est un thème qui me tient à cœur ! », déclare-t-elle.

Actions et projets du département
En 2004, un état des lieux concernant l’accessibilité d’une cinquantaine de bâtiments culturels subventionnés par la Ville (musées, théâtres, bibliothèques) a été fait par un architecte du Département de la Culture. Le but était de constater les failles et considérer les travaux à effectuer pour améliorer cette accessibilité. Un budget de trois millions a été voté. Une fois les travaux terminés, des tests ont été effectués en collaboration avec HAU (Handicap Architecture Urbanisme).

Les autres handicaps ne sont pas oubliés
Le Département travaille sur des visites commentées de musées pour des personnes atteintes de handicap mental. Cela sert également à sensibiliser le personnel des musées au domaine du handicap. Un système de surtitrage a été mis en place pour les personnes sourdes et malentendantes. Les personnes aveugles ou malvoyantes vont bénéficier de l’audiodescription au théâtre. Il s’agit d’une description de ce qui se passe sur scène quand les acteurs ne parlent pas. De plus, une traduction en braille du programme de la pièce sera réalisée. Des commentaires audio sur des expositions pourront être téléchargés sur un baladeur depuis internet. Ce projet s’adresse à tout le monde, mais peut également intéresser les personnes handicapées.

Un groupe de travail réfléchit à une standardisation de la signalétique. En effet, il n’existe pas de standard européen pour les pictogrammes.

Brochure handicap & culture
Ce guide est un aperçu de l’offre culturelle à destination des personnes en situation de handicap et non pas uniquement de l’accessibilité architecturale. Il s’agit d’une brochure évolutive.

Un format peu pratique ? 
Ce format original a été choisi pour donner une visibilité claire et nette à ce guide afin d’attirer l’attention. De gros caractères ont été utilisés pour que tout le monde puisse le lire. Enfin, ce format particulier est adapté aux personnes ayant des problèmes de motricité fine.

Vivre ensemble
La démarche du Département ne découle pas de la loi fédérale sur l’égalité des personnes handicapées votée en 2004. Elle s’inscrit dans la problématique du « Vivre ensemble », qui, entre autres, est de veiller à ce qu’un handicap n’empêche pas une personne de profiter de la très riche offre culturelle genevoise. Beaucoup de services sont impliqués. Il n’y a pas assez de collaboration entre les différents départements. Par exemple, la Culture a des compétences en matière de subventionnement, mais pas en ce qui concerne l’architecture ou la construction. Cela relève de la compétence du Département de la Construction.

« Les personnes en situation de handicap ne sont pas forcément demandeuses, car elles ne sont pas au courant de l’offre existante. Elles essaient de trouver d’autres activités plus accessibles. Mais une fois que nous les rencontrons et que nous instaurons un dialogue, nous sentons leur intérêt et nous avons des propositions et remarques de la part des personnes concernées », explique Véronique Lombard.

Vraiment intégrés ?
« Concernant les sorties au théâtre, en famille ou entre amis, nous réfléchissons avec un souci d’intégration. Nous avons réservé un certain périmètre où le surtitrage est bien visible et où la personne sourde peut être accompagnée par ses proches. Pour les fauteuils roulants, c’est plus compliqué. Il faut s’annoncer pour réserver les places et avoir ses proches à proximité, mais ce n’est pas toujours possible. »

Une jeune personne valide prend conscience des difficultés des personnes en situation de handicap
Dorra Dhouib est une jeune stagiaire MPC (maturité professionnelle commerciale) du service pédagogique du Grand Théâtre. Le thème de son travail porte sur l’accueil des personnes handicapées au Grand Théâtre.
« C’est un sujet réel et concret. Il peut aboutir à un résultat pratique et peut aider les personnes handicapées. Je ne connais pas de personnes ayant une mobilité réduite à part ma grand-mère. Si un jour elle vient au grand théâtre, elle bénéficiera d’un aménagement approprié et pourra assister au spectacle comme tout le monde. J’ai pris conscience des barrières architecturales. Je suis scandalisée du peu d’améliorations qui ont été réalisées dans ce domaine (TPG, trottoirs, etc.) à Genève », nous explique Dorra Dhouib.
Elle a remarqué qu’il y avait un problème de signalétique. En effet, le parcours pour se rendre à sa place pour le spectacle n’est pas le même pour les personnes valides que pour les personnes en chaise. Elle a donc eu l’idée d’un guide, inséré dans le programme de la saison, qui explique comment se rendre aux ascenseurs et à différents endroits accessibles (toilettes, bar) sans se perdre. Ce projet doit encore être validé par la direction du Grand Théâtre.

Test d’accessibilité
En décembre 2009, Dorra Dhouib a invité deux personnes en fauteuil roulant de la Fondation Foyer-Handicap à assister à la répétition générale du spectacle l’Étoile. Par la suite, deux membres de la rédaction de Synergies sont allés sur place pour se rendre compte de l’accessibilité.

Deux fauteuils sur 1 500 !

Accès
Il se fait avec un ascenseur situé à proximité de deux places de parking pour handicapés. Cet ascenseur est un peu étroit et les boutons placés trop haut. Il est difficile de l’utiliser sans accompagnant.

Prise en charge
L’accueil est chaleureux. Une prise en charge a lieu dès l’arrivée des personnes.

Intérieur
Il n’y a que deux places réservées sur les 1 500 disponibles. Situées au premier rang et aux deux extrémités du parterre, ces places ne sont pas vraiment confortables. La scène n’est pas très visible et le sol est incliné. Ces places sont éloignées l’une de l’autre, empêchant par exemple deux amis en fauteuil roulant d’assister à une représentation côte à côte.

Entracte
Le bar du rez-de-chaussée est accessible. Les dimensions des toilettes font que l’accès est difficile pour certains fauteuils très larges ou si un accompagnant doit être présent.

La jeunesse se mobilise
Un effort positif a été fait pour permettre l’accessibilité des personnes à mobilité réduite au Grand Théâtre. Mais il y a encore beaucoup à faire. Cependant, nous avons le plaisir de constater que la jeunesse d’aujourd’hui se mobilise afin d’améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Le point de vue d’une animatrice de la Fondation Foyer-Handicap
« L’accessibilité s’est bien améliorée depuis quelques années, mais il reste encore énormément à faire ! Il faut du courage pour les personnes à mobilité réduite pour investir les lieux culturels. C’est une aventure : il y a toujours de l’imprévu. Quand c’est un nouveau lieu de sortie, je prends contact pour avoir une personne de référence. Autrement, je me renseigne sur internet, mais je prends toujours contact avec une personne sur place, car il peut y avoir des changements, par exemple l’ascenseur de Cinélac qui n’a pas été installé en 2010. Pour moi, l’idéal serait une mise à jour régulière des sites internet et des guides pour les personnes handicapées. Il faudrait que toutes les personnes en situation de handicap reçoivent le guide “Culture et Handicap”. Il est important que les personnes à mobilité réduite signalent aux personnes concernées les difficultés d’accessibilité. »