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Michel Tirabosco, un musicien d’exception

le mercredi, 27 juin 2018. Publié dans Actualités, 10 ans

Michel Tirabosco, un musicien d’exception

En 2011, l’équipe de Synergies a rencontré Michel Tirabosco, un flûtiste de pan professionnel né avec les deux bras et une jambe mal formés. Il a su cependant faire de son handicap une force pour devenir un musicien au talent mondialement reconnu. Michel est marié et a deux filles. Nous avons eu l’honneur de le rencontrer avec sa mère au sein de notre rédaction. D’une très grande simplicité, il s’est adressé à nous comme à des amis.

Pourquoi cette passion pour la flûte de pan ?
Mon père était chanteur d’opéra et mon grand-père s’y intéressait beaucoup. J’ai toujours été fasciné par le monde extraordinaire de la musique. Mes parents m’ont offert une flûte de pan quand j’avais sept ans. Je l’ai tout de suite appréciée et apprivoisée. Elle était adaptée à mon handicap, contrairement à une flûte à trous.

Parlez-nous de votre formation au conservatoire.

Comme il n’y avait pas de professeur qui enseignait la musique classique avec la flûte de pan, j’ai dû intégrer le cours de flûte traversière au conservatoire. J’ai travaillé une dizaine d’années avec un professeur très exigeant.

J’ai obtenu le certificat à 25 ans. J’ai été son seul et unique élève de flûte de pan. Par la suite, il a refusé toutes les autres demandes. À 9 ans, je jouais déjà dans des kermesses.

J’ai fait un 33 tours à 18 ans et mes premières tournées en Argentine et en Équateur à 20 ans.

Quelles sont les difficultés qu’a engendrées votre handicap pour apprendre à jouer de la flûte de pan ?

Aucune, au contraire, mon handicap m’a facilité la vie pour jouer de mon instrument. Je le porte sans tension ni crispation. Les gens me regardent souvent avec beaucoup de curiosité. Je me sens handicapé dans le regard des autres, mais je n’ai pas de problème vis-à-vis de moi-même. Le handicap ce n’est rien, nous sommes tous différents. C’est ce qui fait la beauté de ce monde. Je le vis très bien et je suis indépendant.

Quels styles de musique jouez-vous ?

Je joue, en solo ou dans plusieurs formations, de la musique classique, roumaine, ou improvisée ainsi que du tango ou du jazz.

J’aime beaucoup jouer de la musique traditionnelle, c’est la musique du peuple qui parle à l’âme.

Que ressentez-vous lorsque vous vous produisez devant un public ?

Je ressens beaucoup de bonheur. C’est une interaction, un moment de partage entre le public et moi : j’aime transmettre mes émotions et partager l’amour de la musique avec les autres.

Cela nous change du quotidien. On brille sous les feux des projecteurs !

Avez-vous des anecdotes ?

J’ai subi un accident d’avion lors de ma première tournée en Argentine. Un réacteur a pris feu et est tombé. Nous nous sommes retrouvés dans un champ après un atterrissage d’urgence. C’était mon premier contact avec le continent sud-américain.

Avez-vous un morceau fétiche ?

J’aime beaucoup jouer des morceaux tirés du folklore roumain ainsi que « le Printemps » de Vivaldi ou « l’Aria » de Bach.

Avez-vous transmis votre passion à vos filles ?

Ma fille aînée joue du piano, elle est douée. La cadette joue de la harpe celtique.

Avez-vous d’autres passions ?

J’apprécie les balades à vélo avec mes filles. Je joue également aux échecs et au ping-pong.

Parlez-nous de votre flûte de pan.

Elle est en bambou et vaut environ 1000 francs. Pour l’adapter à la musique classique, j’ai dû rajouter un tube. La gamme correspond aux touches blanches d’un piano. Pour obtenir des demi-tons, il faut incliner la flûte et souffler différemment.

Les flûtes sont fabriquées dans l’atelier de mon père. Il a appris à le faire le jour où j’ai cassé ma flûte en m’asseyant dessus. Mon père l’a réparée et cela lui a donné envie d’en construire d’autres.

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L’amour d’une mère et d’un père est trèsimportant. Ma mère fut un exemple pourmoi, elle ne s’est jamais apitoyée surmon sort. Elle m’a également inculquéla foi en Dieu, mais pas dans une église.

Aujourd’hui, je peux dire que je suis un homme heureux. «C’est quand on n’a rien qu’on a tout».

Sa mère, Jacqueline Tirabosco, nous a amené son livre « Une enfance exceptionnelle » qui relate la vie de son fils.

« Au début, j’avais écrit quelques notes juste pour me souvenir du parcours de Michel. Par un concours de circonstances, j’ai rencontré un moine au sud de la France qui jouait aussi de la flûte de pan. Je lui ai parlé de Michel et il a voulu le rencontrer. Il a complété mes notes et m’a encouragée à les publier. Je l’ai fait à compte d’auteur », explique Jacqueline. « J’ai toujours été émerveillée de tout ce que faisait Michel. Je savais ce qu’il devait affronter. Il était tenace ».

Elle nous relate quelques anecdotes : « J’étais avec Michel dans le train et une dame vient vers moi et me donne “1 franc pour le petit”. Une autre fois, quelqu’un m’a dit qu’il faut l’emmener en Amérique, ils pourront le soigner !

Les gens avaient tendance à nous plaindre, alors que ce que nous vivions, mon mari et moi, c’était le contraire ».

Pour conclure cet entretien, Michel Tirabosco nous a magnifiquement interprété un air sud-américain et un air roumain… des morceaux qui nous ont littéralement transportés. Il a joué avec beaucoup d’allant, de légèreté et de vivacité. Sans ses deux mains, il fait de la musique comme « s’il berçait un bébé » !

http://www.micheltirabosco.ch/

Version audio